Un accouchement forcé
C’était il y a deux ans, c’était un vendredi. Je ne pensais pas raconter cet instant si intime, mais à une époque où pleuvent les témoignages de violences obstétricales et d’accouchements subis, je souhaitais apporter ma pierre à l’édifice.
Ce troisième (et dernier) accouchement, je le rêvais naturel (mais avec péri je ne suis pas maso 😉 ) avec une préparation cosy en douceur dans l’eau. J’avais visité la salle, je m’y voyais déjà, l’histoire fut tout autre. Il m’a fallu beaucoup de temps pour l’accepter et le digérer (voir faire le deuil de l’accouchement rêvé), et c’est encore difficile aujourd’hui pour moi, mais surtout pour Mégamoy…
Une visite de terme classique
Nous étions donc vendredi, date annoncée du terme. Micromoy n’ayant toujours pas pointé le bout de son nez (malgré tous les « indices », voir dernier petit moment), je devais me rendre à l’hôpital pour un monitoring « de routine ». Déjà, sans que je le demande spécifiquement, la sage-femme des urgences pratique un « décollement des membranes » pour mettre en route le travail. Bah non seulement la pratique est loin d’être agréable, mais c’est avec une mine dépitée qu’elle m’annonce avoir sans doute échoué…
Passage ensuite par la case écho pour vérifier que tout va bien (pendant laquelle elle voit un garçon. Il faudra penser à la formation…). Je suis sur le point de repartir au bras de mon Mégamoy (qui heureusement avait tenu à m’accompagner), quand après un pourparlers avec la gynéco de garde sur le pas de la porte, la sage-femme me demande de revenir après manger pour refaire un monitoring. Pas d’explication supplémentaire, et on n’en demande pas vraiment non plus. Ce sont elles les pros…
Déclenchement à l’ocytocine
De retour après déjeuner, nouveau monito. Et là le verdict tombe : bébé ne bouge pas assez, l’activité cardiaque est trop faible, on déclenche Madame ! Pas le temps d’enfiler la tenue que j’avais prévue, pas de passage par la case pré-travail, ni par la salle nature que je dépasse à regret, me voici direct en salle de naissance, vêtue de la blouse syndicale. Une demi-heure après notre arrivée, je suis branchée de partout, la perf d’ocytocine est déjà posée.
Pendant une heure, rien à signaler. Je suis plutôt zen, sans la moindre douleur, finalement contente de bientôt avoir mon bébé dans mes bras (d’autant que cela tombe bien, j’avais tout arrangé pour faire garder les grands). Un confort qui ne semble pas seoir à la sage-femme qui décide de m’en remettre une dose. Et là, c’est parti ! Pas de souci, cette fois ça fonctionne je le sens bien, trop bien même… Je comprends ce qu’a dû ressentir la Mer Rouge quand Moïse a ouvert les eaux d’un coup, c’est une torture ! L’anesthésiste passe la tête par la porte pour m’annoncer qu’elle va passer après une autre pose, mais mes yeux implorants (et sans doute l’ensemble de mon visage) lui font changer d’avis.
Détresse fœtale en silence
La péridurale installée, je m’attends à un soulagement, mais non. Chaque contraction est un martyre sur le côté gauche. Méga prend alors les choses en main et retourne chercher ma sauveuse. Une piqûre plus tard, je ne sens plus rien, je suis enfin tranquille… c’est le moment choisi par une armada de blouses blanches et roses pour débouler dans la salle et m’annoncer qu’il va falloir pousser, et vite ! Je ne comprends rien à ce qui se passe, tout se fait rapidement. Je sais bien qu’un accouchement ne nécessite normalement pas plus de deux personnes, mais je ne m’inquiète pas plus que ça. Je m’exécute plus ou moins facilement avec ma double ration de péridurale (on m’expliquera plus tard que la tête de Micro était simplement mal placée). Et à peine trois heures après notre arrivée, je viens chercher mon bébé. On nous annonce que c’est une fille, je pleure.
Mégamoy semble moins ému. Je lui en veux sur le moment et je lui en voudrai encore assez longtemps. Comment peut-il être si impassible alors que je tiens une princesse dans mes bras? Je comprendrais bien plus tard que les regards échangés au-dessus des masques n’avaient rien de normal. Trop occupée à exécuter ma tâche, et enjouée par l’approche de la rencontre, je ne saisissais pas le côté angoissant de l’instant. Je ne comprenais pas qu’il cherchait des explications à ces gestes silencieux, à l’inquiétude qu’il lisait dans les yeux de tout ce monde. Il fallait sortir Micro, et rapidement. Elle ne supportait pas la violence des contractions subies. Elle était en danger, et je n’en avais aucune conscience.
Dernière étape : la révision utérine
Une fois dehors, tout va bien. C’est un bébé tout rose, mon bonheur est là, il est immense. Il ne me reste plus qu’à exécuter une dernière poussée pour la délivrance. Une formalité, je l’ai déjà fait deux fois dont une sans péridurale. Sauf que rien ne sort. Il n’y a plus aucune contraction, et j’ai beau pousser avec tout ce qui me reste de force, pas la moindre trace de placenta. Une sage-femme monte alors sur mon ventre et me presse comme un citron tandis qu’une autre tire sur le cordon. De mon côté elles peuvent faire ce qu’elles veulent, je suis sur mon nuage. Et je rappelle que j’ai eu une double dose de péri, donc je ne sens absolument rien ! Je suis aussi zen que Bouddha, mais je vois grandir leur inquiétude.
Après plusieurs dizaines de minutes à s’acharner, elles comprennent que le col s’est immédiatement refermé, laissant le placenta prisonnier. Il va falloir aller le chercher, c’est parti pour la révision utérine. Et là je retombe en enfance. Je revois le fermier à côté de la maison de vacances. Il est parti chercher le veau qui ne sort pas… Sauf que là, la vache, c’est moi. La sage-femme plonge dans mon intimité, finit par décrocher le pompon, et met fin à une hémorragie que je n’avais même pas soupçonnée.
Une anémie pas prévue
Et après ? Rien de spécial. J’ai perdu du sang, beaucoup de sang apparemment (je n’en ai encore aucune conscience). Mais pas d’attention particulière pour autant, ni de recommandations. C’est donc tout naturellement que je me lève pour des besoins personnels. Je sens bien que ça tourne un peu, mais pas de quoi fouetter un chat. Après m’être un peu endormie sur le trône (la position devait être d’un glamour extraordinaire), je prends sur moi et je rejoins mon lit… que je n’atteindrai qu’après m’être évanouie en plein milieu de la chambre.
Après avoir rigolé avec ses copines (bah oui c’est vrai que c’est hilarant comme histoire), la sage-femme que je finis par appeler me reproche de ne pas l’avoir prévenue pour la révision utérine, elle ne m’aurait pas laissée faire… « Vous devez être en anémie Madame ! » Bah oui je suis bête ! Moi qui pensais que mon dossier m’avait suivie… Et comment aurais-je pu prévenir d’un « détail » dont je ne comprenais absolument pas l’ampleur ?
Mégamoy, lui, avait tout compris. Après s’être inquiété pour Micro, il s’était inquiété pour moi, alors que je noyais toujours dans le bonheur… Je crois qu’il ne s’en remettra jamais, et que si cette naissance devait être la première Micro aurait été fille unique. Pendant longtemps j’ai cru que le pire concernant cette naissance était de ne pas avoir pu le vivre pleinement comme je le souhaitais. Pendant longtemps je n’avais juste aucune conscience que j’aurais pu perdre beaucoup plus qu’un accouchement de rêve…
J’ai des frissons en lisant ton récit…. Moi l’infirmière, je le dis l’équipe qui t’a suivit a été plus que nulle en communication par contre je pense qu’ils ont quand même fait leur boulot plutôt correctement 😉 Tu va bien et ta minimoy est en forme…. Apres, nous n’étions pas dans la pièce avec toi et ton homme et je suis sur que le même récit raconté par chacun des protagonistes seraient différent…. Car c’est toujours très subjectif ce genre de récit….. Mon 3eme accouchement a lui aussi été plutôt agressif pour moi, il a fait rire mon homme qui du coup a pas du tout compris le baby blues qui en a suivi…. Bref, tout ça pour dire que finalement en lisant ton récit, j’ai l’impression que chez vous ca a été le contraire, toi tu l’as pas si mal vécu mais c’est finalement le ressenti de ton homme qui te laisse aujourd’hui un gout amer 😉
Oui tout à fait, j’avais conscience que l’équipe savait ce qu’elle faisait c’est pour cela que j’étais si zen.
Mais avec le recul, je me dis que la rapidité de ce déclenchement aurait pu finir très mal.
Mais c’est sûr que le ressenti est différent pour chacun. Peut-être qu’un petit suivi psychologique en suite de couches pourrait éviter que cela ne devienne un traumatisme pour l’un ou l’autre.
Parfois les choses ne se passent pas comme on l’a prévu. Et le plus difficile est d’en faire son deuil.
J’ai connu l’épisode d’un bébé en souffrance, qui ne supportait pas les contractions, d’un bébé dont le cœur ralentissait à chaque contraction avec pour bien faire…un travail qui ne se mettait pas en route.
Bébé n’a pas bougé pendant 24H. Même pendant le travail je ne ressentais rien.
Par contre je n’ai pas vécu de « violences ». J’ai eu la chance d’être entourée par une équipe du tonnerre.
Je suis rentrée le lundi soir à 18h; j’ai donc passé la nuit avec deux sage-femmes; je n’ai accouché que la mardi à 8h42.J’étais triste et perdue de voir la nouvelle équipe débarquée alors que j’étais sur le point d’accoucher. Mais au final tout s’est bien passé car la principale personne était là: ma gynéco.
En Belgique ce sont nos gynécos qui suivent l’accouchement. La sage femme n’est là qu’en tant que soutien.
En France, c’est l’inverse (en tout cas dans le public). C’est le gynéco qui n’intervient qu’en cas de de besoin. Alors tu sais que quand il passe la tête par la porte, ce n’est pas bon signe…
Oui il faut faire son deuil de l’accouchement quand il ne se passe pas comme prévu (comme j’en parlais assez rapidement après). Même si bébé va bien, ce qui est le principal bien évidemment, ce n’est pas toujours facile avec le recul (surtout lorsque l’on sait que l’on n’aura pas d’autre chance de vivre une autre naissance).