Un anniversaire dans le monde d’après
Aujourd’hui, mon Maximoy fête ses 12 ans. Un anniversaire extraordinaire, un anniversaire confiné que l’on espère unique, mais qui sait… Un anniversaire sans fête avec les copains ni cotillons, un anniversaire en famille que l’on veut le plus heureux possible mais qui reste plein d’angoisse pour le monde qui s’annonce. Contrairement à nous, nos enfants n’auront jamais grandi dans un milieu où régnait la sérénité. Après les attentats, les catastrophes naturelles, ils doivent vivre avec une nouvelle peur.
Dans quelques jours, les portes des maisons se rouvriront. La liberté tant attendue sera à portée de mains (propres). Certains enfants retrouveront le chemin de l’école tandis que leurs parents reprendront le travail. D’autres ne ressortiront que pour simplement goûter au plaisir se sentir l’air libre et l’odeur du printemps, avant de retourner à un confinement qui leur paraît plus sûr.
Dans tous les cas, nous aurons tous le sentiment de clore un chapitre bien singulier de notre civilisation et d’en démarrer un nouveau. À quoi ressemblera ce nouveau monde ? Nul ne le sait réellement. Ce que je sais, c’est ce que j’aimerais pouvoir répondre à mon fils s’il devait me poser la question.
Le monde d’après fiston ?
Il sera à l’image de ces deux mois hors du temps où l’on a réappris à vivre ensemble.
Où la famille était au cœur de nos préoccupations.
Où l’on organisait des jeux de société plutôt que de regarder un match à la télé.
Où l’on prenait le temps de cuisiner plutôt que de le perdre dans les files des fast-foods.
Où l’on prenait attention à ce que l’on mettait dans nos assiettes, privilégiant la production locale.
Où l’on réfléchissait à deux fois avant de prendre la voiture en quête d’une plaque de beurre.
Où l’on réalisait à quel point le lien entre nos enfants et leurs enseignants est essentiel, et à quel point leur tâche est difficile.
Où les héros portaient une blouse ou un uniforme, et non un short et des crampons.
Où l’on montrait un respect sincère pour ces « petits » métiers qui permettent de continuer à vivre.
Où l’on faisait du tri, dans son intérieur comme dans son esprit (et on retrouvait les photos dossiers).
Où la raison était plus forte que la consommation.
Douce utopie…
Malheureusement fiston, je crains que le monde d’après ne soit pas si différent de celui d’avant.
Le répit offert à la couche d’ozone aura été de courte durée.
Depuis plusieurs jours déjà, le bruit des moteurs reprend le pas sur le chant des oiseaux.
Certains se sont déjà agglutinés pare-choc contre pare-choc pour un Big Mac.
Le chiffre d’affaires d’Amazon a explosé.
La solidarité s’arrête après les applaudissements de 20 heures.
On s’observe, on critique la façon de faire de l’autre, sa façon de penser.
On préfère dénoncer le non-respect du confinement de son voisin plutôt que les violences conjugales.
L’unité s’arrête dès lors que son intérêt personnel n’est plus en jeu.
Devenus produits de luxe, les masques s’arrachent à prix d’or en vue de la sortie. Mais pour aller où ? S’agglutiner dans les magasins pour dépenser les euros économisés par cette pause dans la frénésie acheteuse ? Se précipiter dans les forêts pour y souiller à nouveau la nature de gants et autre détritus en plastique ? Se précipiter à la réouverture des plages pour éteindre ses mégots dans le sable ?
Non fiston, le monde dehors n’aura sans doute pas changé.
Mais nous, oui. Nous continuerons à prendre du temps ensemble ; à ne pas s’énerver pour des devoirs difficiles à comprendre; à prendre des nouvelles de nos proches ; à privilégier les circuits courts et le fait-maison. Fini le fast-food, ou vraiment pour des circonstances exceptionnelles. Nous n’irons plus au restaurant aussi souvent, mais chaque sortie sera exploitée au maximum. Nous ne passerons pas notre temps dans les magasins, car nous n’avons pas besoin de tant de choses que ce que l’on veut nous faire croire.
Plus que jamais, notre foyer sera l’endroit le plus merveilleux au monde. Celui où rien ne compte plus que l’amour qui nous unit, et ce depuis 12 ans. Désolée de l’avoir parfois perdu de vue.
Joyeux anniversaire mon fils !
Ce monde de l’après, ce monde en lequel je ne peux pas m’empêcher d’espérer…
Je me laisse penser qu’on l’espère tous. Seul l’avenir nous le dira, conservons encore un peu d’optimisme…