Le grand déballage
C’est le grand jour. Les 50m3 de souvenirs ont traversé la France, il est temps de les accueillir dans leur nouvelle demeure. Patiemment installée sur ma chaise longue à observer les cordes qui tombent du ciel picard, je compte les minutes et essaie tant bien que mal de prévoir l’emplacement des meubles. Car, grand mystère de la construction, le câble antenne se situe à une extrémité du salon. A moins d’installer une longue vue, difficile d’imaginer placer le canapé à l’autre extrémité (bien pratique cependant pour les amateurs de Questions pour un Champion, qui cherchent toujours à masquer « l’indice qui apparaît chez vous »).
Bon, plus le temps de réfléchir, le container roulant arrive. Pour un tel volume, et après l’expérience du chargement, les déménageurs sont forcément jeunes, fringants, et baraqués. Que nenni ! Quelle n’est pas ma surprise (et ma soudaine angoisse) quand je vois débarquer deux maigrichons qui ont dû connaître les guerres d’indépendance, et deux plus jeunes dont un seulement semble pouvoir porter une commode à bout de bras. Une fraction de seconde suffit pour me faire regretter les déménagements à la mode rugby, où rien ne semble trop lourd pour « sauter » par la fenêtre du premier étage…
De toute façon, on ne peut plus revenir en arrière, ça décharge à fond. Effectivement, le camion est plein à craquer. Il suffit de voir le regard dépité des pros à l’ouverture des portes, pour se dire que ça risque de prendre un certain temps. Et la matinée se déroule à coups de « madame on met ça où » et « le bureau c’est quelle pièce? », en passant par « Robin c’est toujours la chambre au lit blanc? ». Au fur et à mesure, mon gros bidon et moi prenons nos marques dans ce ballet. On tente vainement d’expliquer au gentil vieux que Micromoy n’aura pas besoin de chaise de bureau ni d’imprimante, et que si on a indiqué « bébé » sur la porte via un Post-It ce n’est pas pour la déco ; on se demande s’ils ne font pas exprès d’appeler en bas juste quand on vient de monter, et inversement ; on tente vainement de se justifier « désolée je ne peux pas vous offrir de café, voyez la maison est vide », ou encore « désolée il pleut » (en même temps c’est encore moins de ma faute) ; et on monte, et on descend, et on remonte, et on redescend ; et on déprime de voir la montagne de cartons qui s’amoncelle dans le salon (finalement la chaise longue c’était pas si mal).
Pendant ce temps-là, mon vieil ami continue de monter les cartons, un à un. Son collègue monteur de meubles s’attèle enfin à sa tâche (en ignorant superbement mon conseil consistant à commencer par le lit de Maximoy, à mon sens le plus compliqué car nécessitant une modification). L’autre ancien mange des gâteaux, et le chef d’équipe rapproche les cartons du fond vers le bord du camion, en attendant patiemment le retour de ma brindille (en lice pour le prochain Transporteur, Luc Besson est déjà sur le coup).
Il est midi, tout est en vrac. Euh, tout est fini. Enfin presque. Après avoir mis en place tous les meubles, mister montage est enfin dans la chambre de Maximoy. Au bout d’une demi-heure, à deux (il en faut un pour tenir les vis, véridique), la conclusion est fatale : « on n’a pas réussi madame, on doit laisser comme ça ». Bon bah tant pis, finalement c’est pas si mal…
Après une coupure méridionale plus qu’appréciée chez super cousine picarde, il est temps de s’atteler à l’ouverture des cartons. Plusieurs problèmes s’offrent alors à moi : on le met où, finalement, ce canapé ? par quoi on commence ? on fait comment pour ranger sans placard ? et ça va dans quelle poubelle les ongles cassés ?
Bon allez, je me lance. Regarder les Reines du Shopping avec des jumelles, ce n’est pas mon truc, il faut avancer ce fichu canapé. Mais avant cela, déplacer tout ce qui obstruerait la périlleuse modification. C’est parti pour un Tétris géant en solo ! Heureusement, les cartons glissent bien sur le carrelage, et mes potes ont oublié d’enlever la couverture entourant la table basse. Le chemin est tracé, place enfin au gros œuvre. Je ne dois pas porter ou pousser ? Qu’à cela ne tienne, les mains appuyées sur le mur, les pieds en canard, on fait travailler le fessier (heureusement qu’il n’y a pas de webcam). Une opération peu gracieuse, mais qui permet au passage de trouver une utilité à un élargissement postérieur quelque peu proéminent depuis quelques mois…
Un dernier effort, on déplace la table, on ouvre quelques cartons de déco, et le salon prend enfin une apparence quelque peu définitive. Pause ! Youpi j’ai trouvé le thé, elle est où la bouilloire ? Youpi j’ai la bouilloire, et elles sont où les tasses ? 20 minutes plus tard, je me passerai de sucre car il faudrait encore trouver les cuillères.
Après une traversée verticale éreintante, à la limite de la noyade et en ayant perdu 20 degrés au compteur, Mégamoy arrive enfin sur les lieux de sa nouvelle vie. Un dernier crochet par le foyer de super cousine picarde, une merveilleuse tarte au Maroilles et un crumble speculoos/rhubarbe plus tard (recettes locales toutes issues de cet ouvrage plus qu’appétissant), nous voici fin prêts pour notre première nuit chez nous. Euh, chérie… elle est où la literie ?