Les handicapés ont-ils le droit d’aimer ?
En cette veille de St Valentin où toutes les vitrines se parent de rouge, je voudrais vous parler d’un sujet un peu moins léger que le cœur de tous ces amoureux : celui des personnes handicapées, à qui l’on retire quasiment ce droit.
Dans les méandres des allocations diverses, il en est une dont ses bénéficiaires préféreraient se passer : l’AAH, ou Allocation Adulte Handicapé. Le principe, comme son nom l’indique, est de compenser une perte de revenu rendue inévitable par un handicap qui empêche de travailler. Sauf que…
Imaginez un instant l’histoire suivante : vous vivez tranquillement votre vie, avec votre travail, votre conjoint, vos enfants, vos amis. Vous ne demandez rien à personne, vous ne voulez rien de plus, vous êtes heureux. Seulement il y a cette douleur, imperceptible au début, puis un peu trop présente pour ne pas chercher à la soulager. Puis le soulagement se transforme en examens, puis en diagnostic tellement improbable qu’il faut le relire plusieurs fois pour y croire : une maladie. Une maladie dégénérative, une saloperie qu’on ne sait même pas expliquer.
Pour le moment, cela ne se voit pas trop. Alors vous continuez à travailler, vous vivez comme avant, avec quelques séjours à l’hôpital en plus. Mais un jour, malgré tous les efforts pour ne rien laisser transparaître, vous ne pouvez plus. La maladie avance. Vous êtes trop fatigué, vous avez trop mal. Il faut le dire, vous êtes handicapé, vous êtes invalide. Invalide au sens légal du terme. C’est à dire que vous n’avez plus la capacité de travailler. Alors pour « compenser » cela, vous avez le droit de percevoir l’AAH. Déjà, vous avez le droit d’en faire la demande. Parce que bonjour les papiers nécessaires. Heureusement que vous étiez organisé avant de tomber malade et que vous avez gardé de bons réflexes… Bien entendu, avec un montant de 808,46€ , l’AAH n’équivaut pas du tout au salaire que vous perceviez. Faut pas abuser quand même, vous n’êtes pas handicapé à vie… Ah si… Bon bah faut pas abuser quoi…
Allez, comme vous l’avez toujours fait, vous continuez à vous battre. Et votre nouvelle vie se dessine petit à petit avec cette nouvelle source de revenus qui, certes plus faible, permet de nourrir vos enfants et de mettre un peu de soleil à votre vie entre deux rendez-vous médicaux. Parfois vous avez même assez d’énergie pour aller faire les soldes ou assister à un concert youhou !
Un amour qui coûte cher
Seulement voilà, comme je l’ai dit au départ, vous êtes heureux en amour. Votre conjoint n’est pas malade, mais il vit cette maladie à vos côtés. Il vous soutient dans vos nuits difficiles, il s’occupe des enfants quand vous êtes à l’hôpital, tout en travaillant. Il travaille même encore plus pour pallier à la baisse des revenus du foyer. Mais quoi qu’il arrive, il reste à vos côtés. Et vous savez que vous avez de la chance, car de nombreux couples ne survivent pas au handicap lorsqu’il n’était pas vraiment prévu au programme.
Et un jour, le couperet tombe. Le couple gagne trop ! Donc comme vous ne gagnez plus grand chose, votre conjoint gagne trop. Car pour obtenir le droit à l’AAH, il faut prendre en compte le revenu total annuel du foyer. Bon, il y a bien un plafond, puisque vous touchez l’allocation depuis la reconnaissance de votre handicap. Oui, il y en a un : au 1er janvier 2017, pour un couple sans enfant, il ne faut pas dépasser… 19403,04 €, soit 1616,92€ par mois ! Ah oui, vous avez des enfants. Youhou vous pouvez rajouter 4850,76€ pour chacun (soit 404,23€ par mois j’espère qu’ils ne mangent pas trop et ne grandissent pas trop vite). Donc, parce que votre conjoint gagne un peu plus que le SMIC, vous perdez 808,46€ par mois.
Vous qui étiez actif, vous qui étiez indépendant, vous devenez donc totalement dépendant de votre conjoint. Un simple ayant-droit qui n’a plus le droit à rien, sinon de souffrir en silence.
Cette histoire n’est pas la mienne, mais elle est malheureusement le quotidien de (trop) nombreuses personnes qui avaient seulement demandé à être heureux, et à qui on retire même le droit d’être amoureux… En cette période pré-électorale, nous avons peut-être une infime chance de faire bouger les choses. Alors n’hésitez pas à faire passer ce message : les handicapés aussi ont le droit d’aimer !
Plus d’infos sur la page L’AAH Investigation
Alors là c’est vraiment vrai! C’est terriblement injuste et ça empêche aux personnes de s’épanouir, d’avoir des projets, ce qui est primordial quand on est en situation de handicap (tout comme quand on est valide!)