Ode aux moniteurs de ski

cours de ski

Ah les vacances à la montagne. Le soleil, la neige, les fondues, les combinaisons fluos et… la horde de blousons rouges ! Partie intégrante de nos plus belles heures à ski, ils sont pour beaucoup indispensables à un séjour réussi. Ils feraient presque partie des meubles en bois pour lesquels on paye si cher le mini appartement « typique ». Et pourtant, derrière ce bronzage et ces lunettes stylées se cache un être humain que certains ont trop tendance à occulter. À toi, monitrice ou moniteur de ski, quelques lignes pour te dire merci.

🔴 À toi, le receleur d’étoiles

À croire que la médaille est fondue dans un métal rarissime, le caractère précieux des fameuses étoiles (auxquelles se sont récemment ajoutés les Blanchot, Garolou et autre Sifflote dont je ne maîtrise toujours pas l’ordre) semble être le sésame de vacances réussies (voir la guerre des étoiles). Chez certains, le culte de la performance semble tel que toi, le moniteur, as forcément tort lorsque tu préviens que le niveau risque de ne pas être validé en fin de semaine… Non cher parent, tu as beau l’aimer de tout ton cœur, ton fils n’est pas le futur Bode Miller. Tout comme il ne finira pas comme MBappé, même s’il ne rate aucun entraînement de foot du mercredi. Et tu sais quoi ? Je crois qu’il s’en fout.

moniteur ski

🔴 À toi, le travailleur planqué

C’est bien connu, tu es en vacances toute l’année. Tu bosses dans des lieux paradisiaques, à t’envoyer du vin chaud à chaque restau d’altitude. La belle planque ! Sauf que tes clients sont en vacances, toi non ! Et si tu n’as pas forcément le temps d’épiloguer sur les prouesses en chasse-neige d’Arthur, c’est parce qu’un groupe d’adultes débutants (et anglophones) t’attend en bas. Pourtant, quitte à ne pas avoir de pause, tu trouves le temps de parler avec chaque parent et de le rassurer. Oui il a mangé son goûter, non il n’a pas enlevé ses lunettes sur le téléski, oui il a bien été assis à côté d’un adulte sur le télésiège, non ses skis ne sont pas trop courts.
Ta journée-type, c’est 9h-17h30. Quasiment sans prendre de pause, même pour déjeuner. Parce qu’entre midi et deux, sauf si tu as un groupe de 11h à 13h (la plage horaire idéale pour les parents), tu cases quelques cours individuels pour mettre un (tout petit) peu de reblochon dans les épinards. Ok tu ne bosses peut-être qu’une saison (et demi) par an, mais on ne peut pas vraiment dire que tu t’économises…

🔴 À toi, le babysitter

Tu n’arriveras jamais en retard au point de rendez-vous. Et tu essaies au mieux de gérer ton temps entre les descentes et les remontées pour que les enfants soient à l’heure à l’arrivée (mais pas trop en avance pour éviter que les parents payent pour rien). En revanche, tu te dois d’être indulgent envers celui qui arrive à la bourre au premier cours et ainsi part avec la mauvaise vague ou le mauvais dossard sur le dos. Tu dois accueillir avec le sourire le parent 1 ou 2 qui se pointe peinard (donc sans s’excuser) dix minutes après l’heure de fin du cours parce qu’il n’avait pas fini son Génépi.
Parce que tu ne te leurres pas, pour certains tu n’es qu’un baby-sitter haut de gamme (mais moins bien payé, en station c’est 15€ l’heure de nounou). En atteste le nombre d’enfants de 3 ans, voire moins, qui restent gardés toute la journée pour que leurs géniteurs profitent de la terrasse sur les pistes… Je ne juge pas, chacun doit profiter de ses vacances. Mais certains loulous sont vraiment petits quand même…

enfant ski

🔴 À toi, le parent indigne

Toute la journée, tu t’occupes des enfants des autres. Mais les tiens ? Entre les vieux burinés qui ont connu les skis en bois et les stagiaires (cibles visuelles des mamans cougars) qui entament le parcours du combattant avant d’obtenir le droit d’enseigner à d’autres qu’aux membre élitistes du club Piou-Piou, il y a de jeunes adultes qui ont une vie en dehors des pistes.
Et paraît-il qu’il y en aurait même dont les enfants attendent le retour à la maison. Et là, pas question de prendre ton mercredi, le boulot c’est 6 jours sur 7, dimanche compris ! Super pour trouver un mode de garde, surtout pour tes loulous trop grands pour avoir une prise en charge mais trop petits pour rester tout seuls (et hop un deuxième compte Urssaf).
Heureusement qu’il reste le samedi pour profiter à fond de ta famille… à moins que tu te serves de ce seul jour de congé pour remplir le frigo de la semaine.
D’ailleurs, toi l’aspirante maman, tu es bien folle de vouloir te lancer dans l’aventure. Parce qu’une grossesse c’est une saison de foutue. Et mieux vaut ne pas compter sur un congé maternité pour te sauver l’année…

🔴 À toi, l’imbécile heureux

C’est bien connu, tu n’as rien dans le crâne. C’est d’ailleurs pour ça que certains conseillers à l’Urssaf te surnomme (attention à la bombe) : le petit-pois carotte. Couleur carotte, et un petit pois dans le cerveau. Sympa, non ? Malheureusement authentique, je sais de quoi je parle… Peut-être, certes, ne manies-tu pas aussi bien les chiffres que les spatules. Mais je suis bien placée pour te comprendre, à gérer des revenus sur une année civile lorsque la tienne se chevauche, beaucoup tomberaient dans le ravin.
Et alors que les parents peinent à juste retenir la couleur de ta casquette, et l’endroit où ils doivent rejoindre le groupe, toi en deux heures tu as enregistré le prénom et la caractéristique de chaque enfant (même si pour certains tu as quand même triché avec un autocollant sur le casque). Rappelons qu’en une semaine tu en croiseras au moins une trentaine, tous différents mais souvent habillés pareil, et ce une vingtaine de semaines par saison, soit au bas-mot 600 enfants par an. Et parfois tu te souviens d’eux d’une année sur l’autre. Est-ce qu’un petit pois arriverait à faire ça?

🔴 À toi, la plante transparente

Autant certains parents te tiennent la jambe pour être sûrs que Jean-Kevin aura bien son flocon, d’autres ne t’adresseront presque jamais la parole de la semaine. Pas un bonjour, pas un au revoir, pas même un 💩 . Ce qui finalement t’aurait peut-être permis d’avoir confirmation que tu n’es pas transparent. Je comprends mieux pourquoi tu t’habilles en rouge, pour être sûr d’être vu, et pas être confondu avec un pylône ou un sapin…

🔴 Bah moi, je t’aime

Je ne vais pas le cacher, j’ai toujours éprouvé une fascination certaine pour les moniteurs de ski. Depuis le beau Max à Megève (vers 1990-91), pour qui je ne me suis jamais aussi bien appliquée en deuxième étoile (et à qui Maman, qui mettait exceptionnellement un point d’orgue à venir me chercher, avait bizarrement toujours une question à poser), jusqu’à ma douzième troisième étoile (bon, en réalité trois et ça m’a suffi, mais je n’avais pas Max), et toujours depuis.
Mais surtout à compter du jour où je t’ai confié mes enfants. C’était il y a tout juste sept ans, mon Maxi prenait son premier cours collectif. Et jamais il n’y est allé à reculons. Ni aucun d’entre eux d’ailleurs. Grâce à toi. Grâce à toi, il s’est dépassé pour aller plus loin, pour décrocher ses étoiles, puis la fléchette, puis le bronze, et après…

cours de ski

Qu’il neige, qu’il vente, qu’il fasse -20 degrés, que ta fille ait la grippe, ou que ce soit l’anniversaire de ta mère, tu es toujours là. Pour faire défiler derrière toi ta nuée de petits planters de bâtons. Pour les faire progresser. Pour les rendre autonomes. Pour faire en sorte que mon enfant passe la meilleure semaine de vacances possible. Pour qu’il s’éclate, qu’il se fasse des copains (même s’il ne les reverra jamais de sa vie), qu’il n’oublie jamais son séjour. Et tout ça, tu le fais inlassablement avec le sourire, pour un salaire de misère.

Alors merci pour tout ça ! Merci pour mon enfance, merci pour mes enfants, merci pour les descentes aux flambeaux, et pour tout le reste. Merci à Max, Anthony, Marie, Julien, Allison, Jean-François, Yves et tous les autres.

Et pardon pour tous ceux qui auraient tendance à oublier que tu es un être humain (comme d’ailleurs tous ceux qui travaillent sur les lieux de nos vacances).

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25 comments

  1. Une belle ode à tous ces blousons rouges !

  2. MASCLET CLAUDETTE dit :

    merci…. un coucou, un bonjour, autre qu’un vous rentrez où aujourd’hui…??? et pourtant le mien il est bon avec nous on a fait une piste rouge pourquoi vous restez sur les vertes ??? et j’en passe et des meilleures…mais bon le sourire d’un enfant reste la plus belle récompense…

  3. Chevallet dit :

    Bonjour.
    Étant moniteur je tiens a vous dire merci pour ce superbe article, très émouvant et extrêmement vrai, quelques larmes sur la fin.
    Fantastique.

  4. Caseaco dit :

    Juste un grand merci d’une monitrice de ski, je suis touchée par ce moment de reconnaissance et d’humanité, on a plutôt l’habitude d’essuyer des critiques par dessus tout ça ! Précision, nous travaillons 7 jours sur 7 et si mes enfants sont nés en octobre ce n’est pas un hasard 😉

    • Avec plaisir, c’était sincère.
      Bonne fin de saison, bon courage pour les 7 jours sur 7, et merci par avance pour tous les petits casqués qui passeront entre vos spatules.

  5. Hélène CM dit :

    Un super article ! J’ai beaucoup ri et énormément souri devant la vérité si bien décrite !
    En revanche, je ne sais pas quel moniteur vous a parlé de son « salaire de misère » mais je vous invite à vous renseigner sur la question.
    Un moniteur permanent diplômé est payé entre 50 & 60€ de l´heure. En temps que travailleur indépendant, il paye donc quand même beaucoup de charges, admettons près d’en 50%, ce qui l’amène quand même à un taux horaire net de 25€. On n’a pas la même notion de la misère. Alors d’accord, les stagiaires et autres aspirants gagnent beaucoup moins, mais les métiers sont qui permettent à des pas-encore-diplômés de gagner leur vie, c’est quand même très rare.
    Alors ok pour le travail intensif, le sourire, le peu de temps libre et tout le reste. Mais pas le salaire, s’il vous plait,
    Signé : une secrétaire d’école de ski qui s’enquille bien plus d’heures de travail que les moniteurs
    PS : en vrai, moi aussi je les aime les rouge, et moi aussi j’aime beaucoup mon travail ♥️
    #delautrecôtédutourisme #pourquevosvacancessepassentbien

    • Merci, je suis contente de vous avoir fait sourire 🙂
      Je suis d’accord que sur la saison le salaire n’est pas à faire pleurer dans les chaumières, mais j’ai travaillé à l’Urssaf et ai eu sous les yeux bons nombres de comptes de moniteurs, notamment des stagiaires effectivement, et leur revenus annuels, une fois les cotisations déduites, sont quand même loin de l’opulence…
      Bonne saison !

      • Hélène CM dit :

        Oui voilà, pour les stagiaires je suis d’accord 😉 En tout cas votre article est superbe, partagé à l’instant sur la page de notre ESF, et bon nombre de moniteurs l’ont fait tourner aussi ! Il a fait sourire, en effet, et a réchauffé les cœurs de tout le monde en cette période de haute affluence ! Merci 😉

        • Merci beaucoup !
          Je suis surprise et flattée de tous ces partages.

          • Ludovic dit :

            Bonjour!
            Sans compter que les moniteurs doivent payer leurs matériels, blousons, skis, forfaits, mutuels, assurance ….
            50€= 10% mini pour l’esf, 50% pour les différentes charges et tout le reste…
            Pas la misère mais pas bien lotuhg non plus …

          • Non, pas bien lothug non plus…
            Merci pour vos précisions.

    • Alphonse dit :

      Mais une saison de ski c’est 4 mois. Et un moniteur n’aura pas de chômage. Contrairement à une secrétaire 😉

  6. Termier dit :

    Attention tous les moniteurs ne sont pas en tenue rouge. Sous chaque médaille bats un cœur de passionnés qui aime les gens avec qui il skie.
    Le ski ne réunit que des gens qui aiment avoir du fun dans leur vie car le ski c’est diaboliquement bon. Les autres vont se faire griller l’hiver sur la plage sur leur serviette, dans leur coin 🙂

    Belle ode à tous les moniteurs de ski

    Nicolas

    • Oui, je sais qu’ils ne sont pas tous en rouge, mais c’est un peu plus parlant
      Oh oui le ski c’est tellement bon ! Il suffit de voir le plaisir que prennent mes enfants à se lever tôt chaque matin, à la même heure que pour l’école, et bizarrement avec une meilleure humeur, puis à s’emmitoufler, s’harnacher et se préparer avec joie.

  7. Monitrice de ski je trouve ça très bien écrit.
    Merci pour ces lignes sur notre métier.

  8. thomas delvarre dit :

    Un grand merci pour ce récit qui vous vient du coeur, il me touche particulierement car étant moniteur également …
    C’est extremement touchant… MERCI

  9. Maurice Vibert dit :

    bravo pour cet article c est tellement vrait

  10. COLLEAUX SANDRA dit :

    Bonjour,
    Un grand merci pour ce texte… un régal.

    Il est effectivement ESSENTIEL de rappeler que nous sommes tous des êtres humains avant tout et que personne ne joue sa vie sur une étoile, un bac ou un permis de conduire.

    Laissons nos enfants grandir et profiter des belles choses sans pression!!!

    Arvi pa!!!

    • Merci à vous !
      J’avoue que j’étais fébrile quand mon grand tentait sa troisième flèche de la semaine (déjà quelle chance d’avoir pu avoir autant d’essais…). Pas parce que je voulais absolument qu’il décroche quelque chose, mais pour éviter d’avoir à le consoler…
      Qu’ils aient ou non une récompense à la fin de la semaine n’a absolument aucune importance.

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